Croquis pradier

Ouverture de l’angle tête-encolure par P.Pradier

C’est sûrement l’un des problèmes les plus importants de l’équitation classique :

  • Il est fondamental (au sens fondateur) de noter que dans la nature, en liberté, dans les attitudes naturelles prises par le cheval le chanfrein ne vient jamais en dedans de la vertical. L’équitation classique devant être conforme à l’inné locomoteur du cheval, elle doit être conforme à cette attitude naturelle.

On peut noter cependant que, rarement il est vrai, le cheval peut prendre des attitudes où le chanfrein semble venir en deçà de la verticale (attitude de conduite, de dominance, de jeu entre poulains, etc). Mais l’angulation en deçà de la verticale restera très faible et toujours accompagnée d’un abaissement de l’encolure et d’une faible durée.

  • Dans le dressage, le cavalier va être très rapidement confronté à ce problème et cette attitude va prendre des noms différents selon qu’elle est ou non recherchée:
    * Encapuchonnement : attitude non recherchée correspondant à un cheval qui évite le contact et rompt la tension normale de la bouche aux postérieurs
    * Ramené outré : c’est en quelque sorte un encapuchonnement recherché par le cavalier assurant fixité de la tête, soumission et une certaine harmonie des allures. Ce ramené outré a donné naissance à des textes et à des modes opératoires extrêmement nombreux en France (des livres entiers) et en Allemagne, le cavalier tentant de régler la perte normale d’équilibre et de tension.
    * Roll kur : c’est un aspect particulier du ramené outré où l’hyperflexion de la nuque est demandée en flexion haute. Cette hyperflexion haute est possible du fait que le ligament cervical qui s’attache de la 1ère vertèbre cervicale à la 4ème vertèbre thoracique ne s’attache pas de la 1ère cervicale à la tête.
  • Aspect psychologique de l’encapuchonnement : l’encapuchonnement est une attitude non signifiante pour le cheval, attitude qui n’existe pas dans son inné locomoteur, sans signification locomotrice donc sans appétence pour le mouvement en avant : le cheval n’est pas dans l’impulsion naturelle. L’encapuchonnement est le refus du mors : le cheval est « derrière » son cavalier.
  • Aspect mécanique de l’encapuchonnement : l’analyse mécanique montre que s’il y a encapuchonnement, il y a rupture de l’indispensable tension entre la bouche et les postérieurs. L’encolure, en s’enroulant, rompt cette tension, elle permet hélas encore au cheval de tirer.

 
Extrait du livre du Dr Pradier, Mécanique Equestre et Equitation
« Description
Le cheval à la poursuite d’un contact qui se dérobe progressivement sans se rompre jamais, étend son encolure vers le bas et vers l’avant, ouvre corrélativement son angle tête-encolure, sans modification de la cadence de l’allure dans laquelle il se déplace. Le mouvement peut aller ainsi jusqu’à la plus grande extension de l’encolure, le bout du nez étant alors près du sol.
L’exercice, pour être mécaniquement juste, conforme à l’harmonie musculaire locomotrice, impose que le chanfrein reste, bien entendu, toujours au delà de la verticale, que l’ouverture de l’angle tête-encolure et l’amplitude de l’allure évoluent harmonieusement avec l’extension, que le contact avec la main reste effectif et sans augmentation, que la cadence soit celle des allures ordinaires que nous avons définies. »
« Mode d’action de l’extension d’encolure
L’extension d’encolure va se traduire par une surchage de l’avant-main, et allégement correspondant de l’arrière-main. Elle met provisoirement le cheval sur les épaules. Pour retrouver équilibre et locomotion, le cheval est dans l’obligation de prendre une attitude extrême et de faire travailler tous les muscles qui assurent sustentation et motricité d’une manière évidemment paroxystique. c’est cette gymnastique qui est le but de l’extension d’encolure. »(…)
« L’action recherchée de l’extension d’encolure est la gymnastique faite par le cheval pour retrouver équilibre et locomotion dans le cadre contraignant d’une attitude imposée qui le déséquilibre à l’origine. Ce n’est qu’une optimisation de la locomotion, des allures naturelles, faite par le cheval lui-même dans ce cadre. En d’autres termes, le retour à l’équilibre, le grandissement, le voussement du dos, l’engagement ne sont pas l’oeuvre du cavalier, il ne fabrique pas le cheval entre mains et jambes, il ne le pousse pas pour le forcer à s’engager, il ne cherche pas à le remonter périodiquement pour le faire redescendre ensuite dans un contact accru, il se contente d’exiger l’attitude et de régler la cadence et l’activité, étant le plus neutre et le plus discret possible, en particulier dans son assiette, pour permettre à l’alchimie de se faire progressivement.
Vouloir pousser le cheval sur la main dans cette attitude, dans le but louable de lui vousser le dos, et de réduire « la longueur de ses dessous » est un autre procédé qui n’a rien de commun avec l’exercice appelé extension d’encolure et qui ne présente à peu près que des défauts : intervention intempestive dans la locomotion, cession prématurée de la mâchoire et de la nuque, de plus, dans une attitude basse menant au ramené outré, diminution de l’amplitude des allures, etc… »

* Croquis tiré du livre « Mécanique équestre et équitation » Dr P.Pradier, Belin édit.