La « méthode » (vidéo)

Une méthode ? Non, une démarche…
Le docteur Pradier n’aime guère que l’on parle de « Méthode Pradier », pas plus qu’il n’apprécie lorsqu’il entend dire que tel cavalier « fait du Pradier ».

En réalité, la perte de la tradition a vu en France, depuis le XVIIIe siècle, l’épiphanie d’un florilège de « méthodes » dont le nombre même relativise la valeur : celles de d’Aure, de Baucher, de Raabe, celle du général L’Hotte qui, aux dires de ses thuriféraires fit la synthèse entre le daurisme et le bauchérisme, celles du géneral Faverot de Kerbrech, de Beudant, de Dauloup, la « méthode des balances » testée à Saumur, celle de d’Orgeix enfin… Nous en oublions sans doute.

A côté de ces recherches méthodologiques, des hommes ont tenté d’adapter la méthode classique aux chevaux modernes, fort différents des hispaniques et des barbes que montait La Guérinière, et aux exigences du sport moderne dans toutes les disciplines. Des hommes comme le commandant Dutilh (« Gymnastique équestre », 1864), le commandant Licart (« Equitation raisonnée », 1939), le colonel Gudin de vallerin (« Obstacle, conduite et style », 1950), parmi d’autres. L’ouvrage du premier reste introuvable, les deux suivants sont encore disponibles… avec difficulté.

Les Germaniques ont fait le même travail, et ils le poursuivent (voir le livre récemment publié du docteur Gerd Heuschmann, « Dressage moderne, un jeu de massacre ? » – avec les résultats que nous connaissons aussi bien au niveau du sport que de l’élevage.

La démarche du docteur Pradier se situe là : une relecture de la méthode classique à la lueur des connaissances modernes en éthologie, en biomécanique et en physiologie. Avec son expérience de vétérinaire équin, de cavalier et d’instructeur, de « mécano », comme il le dit lui-même, cette démarche, dans la parfaite continuité de celle initiée par le commandant Dutilh, l’a conforté dans « des hypothèses », qui sont devenues avec le recul d’une cinquantaine d’années de pratique, des certitudes :

  • L’extraordinaire science accumulée par les Grands Anciens jusqu’à La Guérinière au XVIIIe siècle concernant la « nature » du cheval – et le respect obligatoire de la « nature » de son psychisme comme de ses allures.
  • La sélection faite par l’homme est trop récente pour avoir modifié profondément les gènes du cheval. Cette sélection a certes modifié les modèles, les couleurs des robes, l’aptitude à la vitesse ou au rassembler, voire la convivialité, mais le cheval est resté le même : un herbivore habité par la peur, avec des réflexes de fuite surtout fondés par l’odorat, avant l’ouïe ou la vue.
  • La parfaite adaptation des allures naturelles au sport dans toutes les disciplines, adaptation prévisible, puisque résultant de plusieurs millénaires de sélection naturelle.
  • Le dressage est – et n’est que – la recherche menant à « la restitution ou à l’amélioration des allures naturelles ».
  • Toute rééducation des chevaux victimes d’un travail prématuré ou disharmonique, ou de ceux qui relèvent d’accidents locomoteurs, ainsi que des chevaux ataxiques, passe par la remise dans ces « allures naturelles » – spécifiques pour chaque cheval considéré.

Voilà ce que le docteur Pradier explique dans ses deux ouvrages théoriques : « Mécanique équestre et équitation » (Belin) et « Mécanique équestre et obstacle » (Maloine).

Une philosophie de travail expliquée par Ivan Scherer