Pierre pradier la leçon

La leçon par Pierre Pradier (vidéo)

La leçon par Pierre Pradier

Il est classique de dire que la pire catastrophe dans le dressage des chevaux est la routine. Cependant, en dehors de nécessaires exercices ludiques, promenades en extérieur, lâchés au paddock, etc… en dehors des entraînements spécifiques, obstacle ou mise en condition pour les chevaux de CSO ou de CCE, le travail de base sur le plat pour élaborer et parfaire le rassembler et la disponibilité est « la leçon ».

J’aime bien cette notion de l’escrime où le Maître d’armes donne la leçon. Cette leçon faisant acquérir à l’élève les connaissances techniques, les attitudes justes et la musculature indispensable à sa progression.

Si la routine est une catastrophe, le cheval, lui, est un animal d’habitudes. Il y trouve son confort moral, sa sécurité, et, si la leçon est bien donnée, avec toute la progressivité requise, le sentiment gratifiant et élaborateur de calme, que rien qu’il ne puisse exécuter ne lui sera demandé.

Structure de la leçon et incidences sur la musculature

La leçon doit être parfaitement structurée pour assurer l’échauffement musculaire, appréhender l’état physique du cheval, vérifier le connu et la facilité de son exécution, permettre enfin la progression du connu vers l’inconnu et le retour au calme.

Enfin et surtout, la fin de la leçon prépare la leçon du lendemain…

La leçon doit être parfaitement structurée aussi pour éviter au cavalier les oublis, les pages sautées dans la progression. En d’autres termes, un instructeur doit non seulement l’exiger de ses élèves, mais également utiliser le même canevas lorsqu’il travaille son cheval sous leurs yeux pour les confirmer dans le protocole.

La leçon doit également prendre en compte d’autres données physiologiques : d’une part, le but des assouplissements est certes de faire jouer les articulations dans leur plus grande extension et ploiement possibles, de mobiliser les muscles en étirement et contraction, mais aussi d’élaborer progressivement une musculature adaptées à ces attitudes rarement prises, à ces mouvements fort peu exécutés par les chevaux en liberté.

Comme toute élaboration musculaire, celle-ci sera d’évidence longue et nécessitera d’y exercer le cheval pendant un temps certain. L’habileté du cheval à prendre ces attitudes dans une locomotion harmonieuse, à exécuter facilement ces mouvements d’assouplissement sont les seuls critères de la mise en place de cette musculature adaptée. De telle sorte que l’on ne peut affirmer avoir assoupli, même partiellement, avant que tous les assouplissements (cessions, épaules en dedans, hanches en dedans, appuyers) ne soient devenus de véritables allures. C’est là un point très important.

En revanche, dans la leçon quotidienne, ces assouplissements une fois mis en place ne seront demandés, comme une vérification musculo-articulaire et de disponibilité, que jusqu’à l’exécution la plus parfaite possible en l’état du dressage du cheval. Il ne faut pas « endormir » le cheval, mais au contraire passer rapidement d’un exercice à l’autre pour réveiller son attention et parfaire sa disponibilité.

D’autre part, la leçon quotidienne doit être une succession d’efforts musculaires coupés de périodes de récupération. Ces efforts musculaires doivent être de courte durée pour ne pas nécessiter des récupérations trop longues. Une bonne récupération peut être, par exemple, une succession de travers-revers au pas, cadence lente, avec une encolure étendue.

Le contenu de la leçon

Nous prendrons comme exemple une leçon pour un cheval de CSO en fin de progression.

Le cheval ayant été sellé et bridé, le cavalier monte à cheval.

Il est préférable, pour ne pas déplacer la selle sur le dos du cheval de ne pas monter par l’étrier mais de se faire monter à cheval ou d’utiliser un tabouret.

Certains chevaux ayant le dos très froid nécessiteront avant d’être montés, une détente plus ou moins longue à la longe

 

1ere phase Détente et liberté surveillée 5 à 10 minutes

Dans cette phase, les rênes à la couture, au pas et au trot enlevé, le cavalier n’exige que de rester sur la piste, et la cadence, à une main puis à l’autre.

Cette phase nécessite que le cheval soit stable dans ses cadences, c’est-à-dire qu’il ait toujours le désir d’y revenir. Mais cette recherche des cadences naturelles au pas et au trot font partie de la phase initiale du dressage après le débourrage, et les chevaux s’y dressent très rapidement.

Les rênes doivent impérativement être tenues à la couture, car sur des chevaux un peu dressés, le « poids du cuir » leur impose déjà une position de l’encolure.

Cette phase est très importante :

Arrêt-immobilité rênes longues 30 à 45 secondes

Cet arrêt sera demandé sur la piste ou hors de la piste, mais toujours à des endroits différents.

Cet arrêt est très important : nous le retrouverons entre chaque phase.

 

2eme phase Travail en extension d’encolure

Il est toujours loisible de discuter du bien-fondé de ce travail. Cependant, après quarante ans de recherche, je pense que ce travail est indispensable : lui seul donne le maximum d’amplitude aux allures naturelles, lui seul donne le maximum de puissance au ressort que l’on va ensuite comprimer, lui seul élabore une musculature du dos et de l’arrière-main aptes au rassembler ultime.

Il faut être conscient que ces allures naturelles d’amplitude maximale ne sont pas favorables au rassembler. Mais le sport et l’art sont à ce prix.

Ce travail en extension d’encolure consiste à obtenir progressivement, lorsque cela devient possible, sans sortir des cadences, sur le simple contact, que le cheval dans l’attitude de l’extension d’encolure paroxystique et permanente, marche au pas, au trot, au galop, voire reculer (2). Le développement du trot est une bonne vérification (développement dans l’attitude) d’une bonne locomotion.

(2) Ce travail à mon sens indispensable mais très dur nécessite une surveillance accrue des contractures-courbatures.

Je ne donne pas de durée à cette phase, car si pour un quatre ans, elle représente la quasi totalité du travail, chez un cheval d’âge, elle n’est plus qu’un assouplissement comme un autre, interrompu dès qu’il s’avère maîtrisé.

On profitera de ce travail pour pratiquer et vérifier les assouplissements sur les courbes et les cercles.

 

3eme phase Travail de deux pistes

Il est possible de rassembler un cheval par du travail sur des courbes et des cercles, par des transitions rapprochées pas-trot, trot-pas, et surtout par les transitions trot-galop et galop-trot sur des cercles alternativement sur un pied et sur l’autre, également par des transitions rapprochées pas-reculer-pas, puis trot-reculer-trot, enfin par un effet d’ensemble (jambes et mains simultanément) précédé ou non d’un assouplissement de l’ensemble mâchoire-tête et nuque-encolure (bauchérisme). Mais ces différents procédés présentent de nombreux inconvénients : intervention directe du cavalier sur la locomotion, insuffisance de l’assouplissement latéral du rachis, les hanches ne sont pas mobilisées latéralement (les chevaux tournent toujours en mobilisant leur avant-main autour de l’arrière-main qui reste en quelque sorte en pivot – il est donc nécessaire de véritablement « décoincer » les hanches). C’est l’un des buts du travail de deux pistes, mais c’est un ensemble d’exercices qui va élaborer le rassembler sans intervention directe du cavalier dans la locomotion, qui va « éclater » le cheval, lui donner de l’épaisseur et le rendre mobile et disponible, et surtout élaborer la rectitude.

Tous les exercices de deux pistes doivent être parfaitement maîtrisés au pas avant d’être entrepris au trot (contrairement à ce que pensent les écuyers germaniques), et être parfaitement maîtrisés au trot avant d’être entrepris au galop.

Protocole d’exécution

Tête au mur au pas
Epaule en dedans au pas

Puis
Tête au mur au trot lorsque c’est possible
Epaule en dedans au trot lorsque c’est possible

Puis
Tête au mur au galop lorsque c’est possible
Epaule en dedans au galop lorsque c’est possible
Arrêt-immobilité rênes longues 30 à 45 secondes
Hanche en dedans sur la ligne droite au pas
Hanche en dedans dans les coins et sur le cercle au pas
Appuyers au pas

Puis
Les mêmes exercices au trot quand c’est possible

Puis
Les mêmes exercices au galop quand c’est possible

Arrêt-immobilité rênes longues 30 à 45 secondes

 

4eme phase Travail normal spécifique

En dressage pur, le travail spécifique s’est normalement incorporé dans les assouplissements. Ce sont les balanciers d’appuyers très rapprochés qui feront naître les premières foulées de passage, etc.

Pour le CSO, ce sera des allongements et ralentissements au galop sur des lignes droites et sur les cercles, et, bien entendu, des exercices à l’obstacle. Pour le CCE, des éléments de reprises et la mise en condition.

 

5eme phase Retour au calme (10 minutes)

Une promenade au pas en extérieur me semble le plus indiqué.

 

REMARQUES GENERALES

Le dressage n’est en quelque sorte que l’amélioration des allures. Il est donc important de partir d’allures les meilleures possibles pour tenter de les améliorer. En d’autres termes, tout départ au trot ou au galop sera précédé d’une demande de rassembler :

  • Epaule en dedans au pas, suivie d’une hanche en dedans sur le cercle au pas, redresser le cheval sur une foulée et départ au trot.
  • Epaule en dedans au pas, suivie d’une hanche en dedans sur le cercle au pas et départ au galop.

 

Stage Roldolphe Scherer Juillet 2011